Le cost killing aurait-il du plomb dans l’aile … se rappellerait-on que tuer les coûts est loin d’être le cœur de métier d’une entreprise ambitieuse de haute techno … et si la politique des cost killers était tout simplement de privilégier le présent à l’avenir et de laisser, quelques années plus tard, une entreprise vidée et dépassée par ses concurrents …
L’avance est l’avantage principal des grosses entreprises de haute technologie. Passer toute son énergie sur la réduction des coûts est non seulement vain, compte tenu des différences de salaire avec d’autres pays, mais aussi stratégiquement contreproductif. L’argent, il nous faut le dépenser pour avancer, il nous faut investir dans l’avenir ou alors nous seront rapidement rejoints et dépassés.
Ci-dessous un article sur les questionnements de la stratégie de Calos Ghosn, PDG du groupe Renault-Nissan, qui fut un des modèles du genre il y a quelques années, mais dont les fruits attendus ne sont pas forcément au rendez-vous, aujourd'hui. D’une entreprise qui donnait la ligne au marché : Espace et Twingo, c’est maintenant une entreprise qui a plusieurs années de retard sur les modèles hybrides, par exemple.
Hier adulé, M. Ghosn suscite aujourd'hui le scepticisme au Japon
Article paru dans l'édition du Monde du 27.04.07 par Philippe Mesmer
Les résultats de Nissan, dévoilés jeudi 26 avril, laissent penser que la méthode suivie depuis son arrivée à la tête du groupe en 1999 atteint ses limites. Pour la première fois depuis sept ans, le constructeur japonais a vu son bénéfice net baisser. Ces chiffres confirment les deux révisions à la baisse annoncées au cours de l'exercice, en juin 2006 d'abord, puis en février 2007.
Pire, M. Ghosn a reconnu jeudi que les engagements du plan « Value-Up », lancé, chez Nissan, en septembre 2005, ne pourront être tenus. Le constructeur tablait notamment sur des ventes mondiales en 2008 de 4,2 millions de véhicules par an. Cet objectif, bien que repoussé d'une année, « est adapté au potentiel de l'entreprise et nous continuons à viser sa réalisation complète », veut croire M. Ghosn.
Pour le PDG, la situation actuelle reflète une « crise de performance ». Dans un entretien accordé en avril à l'hebdomadaire Nikkei Business, il évoquait une « fatigue du personnel, soumis à un grand nombre d'objectifs ». Ces affirmations n'ont pas empêché Nissan d'annoncer, le 24 avril, un plan de départs volontaires à la retraite portant sur 1 500 postes. La production a aussi été réduite dans deux usines au Japon et de nouveaux efforts de réductions des coûts sont prévus.
De même, le 1er avril, M. Ghosn, désireux de se consacrer à la relance de Renault-Nissan, a cédé les rênes du marché américain à Hiroto Saikawa, ancien responsable des ventes. Toshiyuki Shiga, le directeur exécutif au Japon, a reçu lui pour mission de se concentrer sur la relance de la marque dans l'Archipel.
Le 27 mars, le groupe a annoncé une restructuration de son réseau commercial au Japon, où ses ventes ont chuté de 12 %. Centralisé depuis Tokyo, le nouveau dispositif sera, d'ici à février 2008, piloté par une dizaine de directions régionales. Il s'agit de remotiver des commerciaux aujourd'hui déroutés par le lancement erratique de nouveaux modèles et par des objectifs jugés trop élevés.
L'ensemble de ces mesures peine cependant à convaincre. Le titre du constructeur baisse depuis le mois de janvier, évoluant à la Bourse de Tokyo sous les 1 200 yens, son plus bas niveau depuis août 2006.
« LA MAGIE N'OPÈRE PLUS »
Certains analystes financiers considèrent comme trop « timides » les décisions prises pour remédier à la situation. Ils sont de plus en plus nombreux à douter du succès de M. Ghosn et de sa capacité à diriger de front deux entreprises comme Renault et Nissan.
A Tokyo, on reproche au charismatique patron d'avoir sous-estimé l'importance des véhicules hybrides aux Etats-Unis, un segment qui a permis à Toyota d'enregistrer une forte croissance sur ce marché.
Dans l'Archipel, l'absence de nouveaux modèles entre février et octobre 2006 a pesé sur les ventes. Le recours à des séries spéciales bradées pour 15 des 29 modèles de la gamme n'a pas permis d'inverser la tendance, tout comme les nouveautés dévoilées en fin d'année. Nissan semble renouer avec ses vieux démons, notamment une incapacité à développer des voitures au design attractif.
Après sept années de succès, la « méthode Ghosn » est donc remise en cause. Sa volonté de privilégier des gains immédiats, notamment en réduisant les coûts au niveau des achats est perçue comme un risque pour la qualité des véhicules.
Cité par le quotidien économique Nihon Keizai, Takashi Nakanishi, analyste chez JP Morgan Securities, estime que « la magie n'opère plus ». Pour lui, « le constructeur doit aujourd'hui prendre le temps de se réformer pour parvenir à développer des véhicules attractifs ».
Plus sévère, l'hebdomadaire Economisuto, dans son édition du 3 avril, considérait que les problèmes actuels de Nissan « signent l'échec de la stratégie suivie par un dirigeant qui ne possède aucune vision à moyen et long terme ». Un jugement sans doute excessif, mais qui montre que les Japonais sont prêts à brûler ce qu'ils ont adoré.
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