1 _ Quels sont les rôles du secrétaire du CE ?
Il y a d’abord la partie correspondant aux réunions du Comités d’Etablissement, où tous les élus se retrouvent en réunion avec la direction pour discuter du fonctionnement de l’entreprise. Ensuite, avec le bureau du CE, il y a la partie de gestion des activités sociales et culturelles. Les deux rôles sont assez différents.
2 _ Lors des réunions du CE avec la direction, comment se répartissent les rôles ?
Dans le Code du travail, la responsabilité du secrétaire se résume à établir l’ordre du jour, à contrôler la sincérité des comptes rendus et à les diffuser. Chacun des élus est donc libre de s’exprimer et de poser ses questions à la direction, sur tous les sujets de l’entreprise.
Dans les faits, le secrétaire du CE a aussi un rôle de facilitateur dans la marche du Comité d’Etablissement. Il est en prise directe avec la direction d’un coté, les élus et les représentants syndicaux de l’autre. Il doit faire en sorte que l’échange puisse avoir lieu, même s’il y a friction ou désaccord de fond.
3 _ On entend dire que le CE ne serait une « coquille vide » ne faisant que « rendre des avis ». Est-ce vrai ?
Le législateur n’est pas allé au bout de la démarche en ne donnant probablement pas assez de moyens d’actions aux représentants du personnel, sur le fonctionnement de l’entreprise, contrairement à ce qui peut se voir dans d’autres pays. De ce fait, les élus de CE n’engagent pas leur responsabilité dans les décisions prises par l’entreprise. Mais dans la pratique, le jeu est un peu plus nuancé.
Dans nos grands Groupes, les directions n’incarnent plus vraiment l’entreprise. Elles n’ont plus la vision historique qu’avait le chef d’entreprise propriétaire, dont la vie était intimement liée à l’histoire de son entreprise. Aujourd’hui, nous sommes face à des hauts cadres, gestionnaires des intérêts de l’entreprise, pour le compte d’un concept insaisissable d’actionnaire. De ce fait, la relation change aussi. L’intérêt de nos directions est que cela marche, tout en respectant les consignes venant du dessus.
Dans ce cadre, le fonctionnement d’un Comité d’Etablissement ne devrait pas être très éloigné de celui d’un Conseil d’Administration d’entreprise (sans la possibilité de blocage par le vote … et les jetons de présences, bien-sûr !) Le rôle d’un Conseil d’Administration qui fonctionne bien, ce n’est pas de bloquer quand cela va mal, mais c’est plutôt de produire de l’intelligence économique et de prévenir les risques, par une vigilance et un contrôle à plusieurs.
Je crois que le rôle du Comité d’Entreprise (ou d’Etablissement) n’est pas autre : garantir la bonne marche de l’entreprise et le respect de ceux qui en constituent le cœur : les salariés.
4 _ La direction n’a-telle pas le pouvoir de passer outre les avis ou recommandations du CE ?
La direction garde la responsabilité du bon fonctionnement de l’entreprise, elle a par définition le dernier mot. Mais cela ne signifie pas qu’elle soit sourde !
De mon point de vue, la liberté de parole des élus du CE est aussi un pouvoir efficace, dans des entreprises où les disfonctionnements sont souvent liés à des non-dits.
Gérer des machines, c’est simple ! Gérer des hommes et des femmes, c’est se confronter au facteur humain, à la nécessaire (dé)motivation, aux frictions, aux logiques de groupes entre équipes ou services, aux problèmes sociaux, etc …Pour faire face à tout cela, il est clair que le Comité d’Etablissement a un réel rôle de régulation dans l’entreprise.
Les élus de CE sont écoutés, probablement pas parce qu’ils détiennent LA vérité, mais parce qu’ils témoignent d’une réalité vécue dans l’entreprise, qui ne remonte pas naturellement par la voie hiérarchique, mais dont la direction a besoin pour produire des décisions éclairées … et donc efficientes. Ce rôle se voit probablement peu, c’est ce que l’on appelle le travail invisible … mais il est bien réel.
L’important, c’est de s’assurer que les questions à l’ordre du jour soient claires et adressent bien les problèmes soulevés dans l’entreprise. Que les débats aillent au fond du propos, de façon à ce qu’il puisse y avoir compréhension partagée des enjeux entre représentants du personnel et direction. Après, libre à elle d’en tenir compte officiellement ou officieusement. Cela relève de sa responsabilité.
5 _ Sur la partie des activités sociales et culturelles gérées par le CE, les élus ne se retrouvent-ils pas dans un rôle de « direction » ?
Oui, le CE met les élus dans la double posture : d’un coté observateurs et critiques, de l’autre acteurs autonomes et responsables. Cependant, la taille de « l’entreprise CE » est plus réduite, ce qui permet justement d’en maitriser et d’en comprendre l’ensemble, sans y passer toutes ses journées. L’exercice est formateur !
6 _ Quels sont les points importants en tant que secrétaire ?
Le rôle du secrétaire et du bureau du CE, c’est d’abord de faire tourner la boutique. Cela signifie une partie financière (gestion des budgets du CE), une partie activités (propositions aux salariés) et une partie management (le CE emploie 2 salariés). A cela se superpose une partie de gouvernance, car le secrétaire et le bureau travaillent au nom du Comité d’Etablissement et il faut s’assurer que le mandat est tenu. Enfin, il y a la relation aux utilisateurs du CE pour lesquels nous travaillons les propositions.
Gérer un CE, c’est aussi proposer de nouvelles activités, arbitrer entre des options, répondre à des interpellations. Pour cela, on ne peut pas tomber que dans une gestion administrative qui perdrait de vue le sens du CE. Cela nécessite donc de réfléchir aux raisons qui conduisent à produire un choix plutôt qu’un autre, à proposer une politique particulière ou à arrêter une activité. C’est aussi une des parties enrichissantes de l’exercice.
7 _ Si pour des raisons budgétaires, des choix doivent être faits, comment faites vous ?
Faire fonctionner un CE, c’est faire rendre un service par des salariés (les commissions), pour les salariés. Par définition, cela nécessite d’être très attentifs à la fois aux utilisateurs du CE, mais aussi à ceux qui s’y investissent et gèrent une commission du CE.
Nous sommes régulièrement en face de choix budgétaires, petits ou grands, car un CE évolue nécessairement d’une année sur l’autre. La bonne méthode est, je crois, de faire confiance aux salariés, c’est-à-dire expliquer et s’il y a un problème, tenter de trouver une solution ensemble.
8 _ Et dans les faits, comment fait-on ?
En 2011, nous avons du baisser les subventions de près de 10% en moyenne des commissions pour éviter un déficit en fin d’année. Il y a bien sur eu des discussions serrées. Mais globalement, tout le monde a bien accepté de jouer le jeu. L’important, c’est que les éléments de compréhension soient donnés et l’effort équitablement réparti entre chacun.
De toute façon, dans un CE, le bénéfice ne remonte jamais à l’actionnaire ! Il reste dans le budget du CE. Il vaut probablement donc mieux avoir une gestion un peu plus prudente, sachant que le salarié fini de toutes façons toujours par en profiter.
9 _ Quelques CE défient la chronique dans la presse, quels sont les risques dans la gestion d’un CE ?
Le vrai risque pour un CE, c’est de tomber dans une situation où le manque de transparence et les passe-droits sont des modalités de l’action. Une fois que l’on a mis le doigt dedans, c’est très dur de s’en sortir.
Une bonne façon de prévenir ce risque, c’est d’accepter dès le départ une gestion transparente en faisant l’effort d’intégrer d‘autres organisations syndicales dans la gestion du CE, à un niveau ou à un autre. Historiquement à Brest, c’est au bureau du CE que cela se passe. Pour ce mandat, c’est la CFE-CGC qui a le secrétariat et la trésorerie, mais les deux adjoints sont CGT et CFDT. Ils sont associés aux décisions et ont libre accès aux comptes du CE. Cela complique sûrement la vie de prendre des décisions à plusieurs, mais je crois que c’est une façon saine de faire.
10 _ Que dire à des salariés qui réfléchiraient à devenir élu au CE ?
De part notre domaine d’activités et nos compétences pointues, soit en terme technique soit en terme de management d’affaire, les salariés de TUS sont souvent amenés à se spécialiser. Ce n’est pas un mal, cette expertise est nécessaire pour l’entreprise. Cela étant, cette spécialisation ne facilite pas la compréhension de l’entreprise dans son ensemble, ses fonctionnements entre acteurs, ses enjeux.
Devenir élu de CE, c’est assurément prendre de la hauteur par rapport à son quotidien professionnel. C’est pouvoir se former. C’est recevoir de l’information directement de la direction, sur les sujets structurants de la vie de l’entreprise. C’est chercher à comprendre les fonctionnements et les disfonctionnements avec les salariés. C’est enfin essayer d’apporter une vision différente quand cela s’avère nécessaire, dans l’intérêt de tous.
Etre élu de CE, c’est peut-être souhaiter être plus acteur dans le fonctionnement global de l’entreprise et probablement, croire que l’on est toujours plus intelligent à plusieurs !
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