Le 23 juillet, deux jours après l'adoption de la loi "portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail", qui assouplit notamment le régime des forfaits jours, un accord était conclu dans le groupe d'armement Nexter (ex-Giat Industries). Signé par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC et FO, ce texte porte la durée du forfait des cadres à 218 jours par an, contre 205 ou 210 auparavant, le temps de travail des non-cadres étant également relevé. En compensation, des augmentations de salaire ont été accordées (6,44 % pour les cadres, 3,55 % pour les autres). Cette concordance de dates n'est qu'une coïncidence, l'accord Nexter s'appuyant sur la précédente législation. Mais cette affaire sert aujourd'hui d'épouvantail aux syndicats, qui redoutent que ces remises en cause se multiplient, sous l'impulsion de la nouvelle loi, promulguée le 21 août. Celle-ci maintient à 218 le nombre de jours travaillés dans l'année, mais un salarié peut demander à travailler jusqu'à 235 jours, sa rémunération étant majorée de 10 %. Un accord d'entreprise peut toutefois fixer une durée de 282 jours maximum.
Plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de revoir leurs accords, comme chez Capgemini, où le forfait cadres est à 218 jours par an, avec neuf jours de réduction du temps de travail (RTT). "Nous sommes convoqués mi-septembre pour en discuter, indique Ali Ould Yerou, délégué syndical CGT. Mais ce que nous voulons, c'est le statu quo. Les cadres se plaignent du rythme de travail, du stress. Neuf jours de RTT, c'est le strict minimum." La direction n'a pas souhaité s'exprimer. Le syndicaliste se dit cependant "très pessimiste" : "Si nous n'aboutissons pas à un accord, la convention de branche Syntec, qui va être renégociée sur la base d'un forfait supérieur à 218 jours, pourrait s'appliquer directement. C'est un jeu de dupes.""Rien n'est encore décidé", indique-t-on au Syntec.
Chez Eurocopter, "une réflexion sur le temps de travail des cadres et des non-cadres est engagée", indique Jean-Baptiste Ertlé, directeur des relations sociales France, afin de "prendre en compte la croissance exceptionnelle" que connaît l'entreprise. Actuellement, le forfait est de 211 jours par an. "Notre objectif n'est pas de le porter à la durée maximum autorisée", assure M. Ertlé. Mais "les salariés sont inquiets", constate Didier Hacquart, délégué syndical central CFDT d'Eurocopter, qui ne voit d'ailleurs pas l'utilité d'un nouvel accord : "Les cadres peuvent déjà demander à travailler plus de 211 jours en puisant dans leur compte épargne- temps", observe-t-il. Fixer avec chaque cadre le nombre de jours de RTT travaillés et la majoration de salaire à appliquer, c'est ce que préconise Stéphanie Stein, vice-présidente du syndicat d'avocats d'entreprise Avosial. "Renégocier un accord collectif prend du temps, explique-t-elle, et n'a d'intérêt que si l'entreprise est en surcharge permanente." Et si la plupart des cadres sont d'accord. Sinon, ils risquent de partir chez un concurrent. Or, selon un sondage Les Echos-LH2-L'Institut de l'entreprise de juin, seuls 6 % des cadres souhaitent monnayer leurs RTT.
Francine Aizicovici
Article paru dans LE MONDE ECONOMIE du 09.09.08