Quand la loi accompagne la bêtise de certains dirigeants ...
Le marathon des ouvriers de Père Dodu
A l’usine agroalimentaire Doux Père Dodu de Quimper (Finistère), les salariés, désormais interdits de cigarette dans l'enceinte du site, sont contraints de parcourir les 400 mètres qui les séparent de la sortie s'ils veulent fumer. Le 6 mars, une quinzaine d'entre eux se sont réunis pour réclamer à la direction la construction d'un fumoir sur leur lieu de travail. Ils disposaient, avant l'interdiction, " d'une salle de pause située dans l'usine, avec un côté fumeur et un côté non-fumeur ", explique la responsable de la communication de l'entreprise. Ils pouvaient, dans le même lieu, fumer et déjeuner.
Sortir de l'usine représente une grosse perte de temps pour eux, qui n'ont qu' " une demi-heure par jour pour déjeuner et fumer une cigarette ", indique Loïc Santangelo, responsable du nettoyage de nuit sur le site et délégué syndical CGT. La pause devient un vrai marathon : " Il faut pointer, enlever sa tenue de travail et traverser le site jusqu'à la sortie ", raconte Muriel Guillemet, salariée de l'usine, représentante syndicale (CGT) et déléguée du personnel. Elle préfère " sa cigarette à un casse-croûte, je n'ai plus le temps de faire les deux ".
Alors, pour contourner le règlement intérieur et éviter de perdre de précieuses minutes, les salariés ont trouvé une alternative " tolérée par la direction ", selon M. Santangelo. Ils fument sur le parking de l'usine, mais... dans leur voiture, " une cigarette dans une main, un sandwich dans l'autre ". Un spectacle " consternant ", comme le rappelle le délégué syndical. Les deux salariés précisent que " l'inspection du travail n'est pas d'accord avec le règlement intérieur qui impose de sortir du site pour fumer ".
Mesure d'autant plus extrême que " le site s'étend sur 4 hectares, ce qui laisse largement la place pour construire un lieu fumeur, de type Abribus ", indique M. Santangelo. Mais la responsable de la communication précise que " l'entreprise, tenue par une obligation de résultat, a décidé de faire une application stricte de la loi antitabac ". Selon elle, " nos 22 sites en France sont logés à la même enseigne, il n'y a pas de raison de construire un local fumeur pour l'un d'eux en particulier ". C'est donc " non " pour tout le monde. " Mais à Châteaulin, par exemple, ils ne font que 50 mètres pour sortir ", réplique M. Santangelo.
Le froid est un autre argument en faveur d'un fumoir : " Les salariés travaillent dans des locaux entre 0 °C et -10 °C, alors si la pause-cigarette se fait aussi dans le froid, ça devient vraiment dur ", ajoute M. Santangelo. " La cigarette ça ne se soigne pas du jour au lendemain, il aurait fallu préparer les gens avant d'imposer cette interdiction totale ", regrette pour sa part Jean-Luc Guillart, secrétaire syndical CFDT. Lui qui ne fume pas déplore de ne plus voir ses amis fumeurs maintenant absents de la pause-déjeuner.
Clémentine Fages - Article paru dans l'édition du 02.10.07 du monde
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