Pour ceux qui n’auraient pas été encore convaincus … on en remet une couche !
L'argent ne fait pas le bonheur
Article de Annie Kahn paru dans le Le Monde du 21.05.07
Travailler plus pour gagner plus, c'est le mot d'ordre du nouveau gouvernement. Comme s'il allait de soi que gagner plus est un gage de bonheur unanimement souhaité.
Des économistes américains ont récemment prouvé le contraire. A la question "seriez-vous plus heureux si vous étiez plus riche ?", Daniel Kahneman, Prix Nobel d'économie en 2002, et quatre de ses collègues du Centre d'études de politique économique (CEPS) de l'université Princeton répondent par la négative. "Quand on pose cette question de façon isolée, les gens en exagèrent l'importance. Ils pensent qu'ils seront plus heureux s'ils gagnent mieux leur vie. Mais il s'agit d'une illusion d'optique", affirment les auteurs.
Une illusion, certes, mais pas pour tout le monde. Car les conclusions des auteurs ne valent que pour les ménages de la "classe moyenne" qui gagnent plus de 50 000 dollars (37 000 euros) par an. Pour eux, un surplus de revenu ne se traduit que très faiblement en mieux-être. En dessous du seuil de 50 000 dollars, accroissement de salaire et satisfaction semblent en revanche aller de pair.
Pour expliquer leurs conclusions, les économistes américains soulignent que ce n'est pas la valeur absolue du revenu qui rend heureux ou malheureux, mais plutôt l'écart avec les voisins. Autrement dit, être riche parmi les riches n'a aucun intérêt ; ou pis, peut rendre très malheureux, car l'on côtoie souvent encore plus riche que soi. Qui plus est, jugent les auteurs, la consommation de biens matériels n'accroît pas la sensation de bien-être. Enfin, affirment-ils, les loisirs des gens aisés (faire des achats, de la gymnastique...) sont générateurs de tension et de stress.
Pourquoi donc les dirigeants d'entreprise négocient-ils des indemnités de départ, retraites chapeaux et autres parachutes dorés atteignant des montants faramineux ? Ils sont victimes de cet effet d'optique, expliquent les économistes de Princeton. Ils surestiment le surplus de plaisir qu'ils pourront tirer de cet argent et s'illusionnent en pensant que ce bonheur qu'ils ressentent au moment où on leur accorde cette somme va durer. A long terme, il n'en est rien.
L'OCDE tire des conclusions similaires dans son Panorama de la société. Le "degré de satisfaction" d'une population n'est pas forcément lié au PIB du pays. Les Mexicains se déclarent heureux de vivre alors que le PIB du Mexique est relativement faible. Au Japon, c'est l'inverse. "Le bien-être des gens dépend en large mesure de la situation de la collectivité dont ils font partie et de leurs relations avec cette collectivité", conclut l'OCDE.
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