A quand une valorisation des acquis professionnels au travers des voyages d’affaires que l’on fait à TUS ? L’idée n’est pas saugrenue au regard des « formations voyage » que l’on fait subir (ça a l’air dur !) à nos dirigeants, short-listés parmi les meilleurs de la classe. En dehors du fait que cela à l’air fun, rien de bien neuf par rapport à ce que les salariés font lorsqu’ils voyagent pour leurs affaires (en dehors des dîners chez l’ambassadeur). On peut se demander si ces « formations » tentent tout simplement d’inculquer la vraie vie à nos dirigeants. C’est vrai, ce n’est pas simple de savoir comment cela marche quand on observe d’une tour d’ivoire ! La question subsidiaire est : voient-ils vraiment la réalité en quinze jours ou alors ingurgitent-ils simplement les idées que l’on souhaite leur faire passer, en faisant croire que l’immersion est forcément la vraie vie. Ce qui compte dans une formation, ce n’est pas « l’immersion », mais la qualité du programme de formation et l’intelligence des intervenants.
Le voyage d'études haut de gamme, un outil de formation
Thales, le Crédit agricole et beaucoup d'autres groupes font découvrir l'ailleurs à leurs cadres pour stimuler leur inspiration
Article paru dans l'édition du Monde du 11.04.07 par Sarah Piovezan
Les voyages forment la jeunesse, mais pas seulement. Si les Compagnons du devoir pratiquent la formation par l'itinérance depuis longtemps, le « voyage d'études » fait aussi des adeptes dans les grandes entreprises. Le principe : aller observer ce qui se passe ailleurs pour stimuler sa matière grise. « Innover, c'est apporter du nouveau, explique Marc Giget, professeur en gestion de l'innovation au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et concepteur de « learning expeditions » pour les entreprises. Beaucoup d'innovations sont nées de voyages, car ce sont des moments de rupture, de décalage et de prise de recul. Quand on arrive en territoire inconnu, on change de langue, de culture, mais aussi d'état d'esprit. »
Appliqué à l'entreprise, le voyage d'études s'est d'abord apparenté à du tourisme industriel, avant de progresser à nouveau dans les années 2000 avec l'explosion des nouvelles technologies. Epicentre de cette révolution, la Silicon Valley, en Californie, est devenue la destination privilégiée des cadres désireux d'étudier de l'intérieur ce micro-climat si propice aux affaires et à l'éclosion de start-up innovantes : visites d'entreprises, rencontres avec leurs dirigeants, découverte des mécanismes de transfert de technologie entre grandes universités et secteur privé... C'est l'heure de gloire des « Silicon Valley Tours » organisés par des cabinets de consultants. « Mais, au final, il s'agissait plus de développement personnel que d'un réel apprentissage à la mise en oeuvre de stratégies pour l'entreprise, note Annick Renaud-Coulon, présidente du Club européen des universités d'entreprises. Aujourd'hui, dans les entreprises les plus en pointe, le voyage d'études est construit sur mesure, en interne, avec de vrais objectifs business en ligne de mire. »
Chez Total, s'aventurer au-delà des frontières hexagonales est dans les gènes. « C'est une pratique très ancienne chez nous, car il n'y a pas de pétrole en France !, plaisante Antonin Fotso, directeur formation du groupe pétrolier. Ces voyages ont pour but de développer l'entreprise, mais ils s'appuient toujours sur un programme pédagogique. » Chaque année, le groupe organise plusieurs sessions itinérantes, la plus prestigieuse étant destinée à une vingtaine de cadres à haut potentiel. Pendant quinze jours, patrons de filiales, responsables de grands projets et cadres des fonctions centrales parcourent deux pays stratégiques. Objectif : s'ouvrir l'esprit et stimuler l'inspiration. « Dans ces voyages, rien n'est anodin. Tout ce qu'ils voient a un lien avec notre secteur d'activité, nos clients ou nos fournisseurs. » Le dernier en date les a menés en Angola et en Afrique du Sud, où ils ont pu visualiser en direct les activités de Total dans des pays en développement. « Nous les avons amenés sur un chantier pétrolier, mais aussi dans les villages alentour. Nous visitons toujours les universités du pays, pour comprendre le processus de formation des élites locales. Les profondes différences que nous avons observées entre les deux pays nous ont beaucoup appris sur l'Afrique en général », témoigne M. Fotso. Au retour de chaque voyage, les participants présentent leurs recommandations au comité de direction.
Autre pratiquant très actif des voyages d'études : Thales, le géant de l'électronique, qui en propose à ses plus hauts dirigeants. « La liste des participants est validée un an à l'avance par la direction, explique Sylvie Martre, responsable de l'Université Thales. C'est un programme très sélectif, qui a pour finalité de préparer l'avenir en termes de croissance et d'innovation. « Pendant dix jours, l'immersion dans le pays est totale, depuis les embouteillages à la sortie de l'aéroport jusqu'aux cocktails chez l'ambassadeur ou les visites de centres de recherche. » « A Pékin, nous les avons lâchés dans la ville sans chauffeur ni guide, avec une liste d'objets à ramener. Ils devaient, par exemple, se faire photographier en train de manger une brochette de scorpions sur un marché. Connaître la Chine, ça passe aussi par ça », observe Mme Martre. Pour organiser de tels marathons, Thales s'appuie sur ses filiales, qui lui permettent de cibler les meilleurs interlocuteurs locaux. « Les dirigeants ont peu de temps : pour être efficace, il faut parfaitement connaître l'entreprise et ses besoins, c'est pourquoi nous organisons tout nous-mêmes. » Les contacts noués sur place aboutissent parfois à des résultats très concrets, comme ce partenariat signé avec une entreprise indienne à la suite d'un voyage d'études. « L es recommandations faites au retour sont pointues. S'il s'agissait de voyages d'agrément, la direction s'en apercevrait tout de suite ! » Car ce type de formation coûte cher. Certaines entreprises, qui passaient par des prestataires extérieurs, y ont d'ailleurs renoncé, dégoûtées par les prix pratiqués par des consultants trop gourmands. « Ils peuvent demander jusqu'à 10 000 euros par personne pour une semaine en Californie ! », s'étrangle le responsable formation d'une grande entreprise. La tendance actuelle est donc plutôt aux parcours sur mesure, avec un objectif prédéfini et une évaluation des résultats au retour. Le comité de veille technologique du Crédit agricole SA vient ainsi d'organiser un premier voyage d'études pour 27 de ses cadres : destination Hanovre, à l'occasion du CeBIT, le plus grand Salon technologique mondial. « Chaque veilleur a ensuite rédigé une «note d'étonnement» sur les grandes tendances en matière de technologie et a dû proposer cinq idées innovantes applicables à l'entreprise », explique Jean-Philippe Blanchard, responsable du comité, qui a aussi observé un effet secondaire du voyage : la nouvelle dynamique du groupe. « Depuis notre retour, je reçois dix fois plus de mails de la communauté des veilleurs. Cela a été un catalyseur de coopérations au sein de l'entreprise », précise-t-il.
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