La décision de Toyota de rémunérer les heures passées dans des réunions consacrées au contrôle qualité reflète les évolutions de la société japonaise. Annoncée le 22 mai, cette mesure prévoit le règlement, dès le 1er juin, de la participation à ces réunions, composantes du concept de "kaizen" ou "amélioration permanente" à l'origine du succès du constructeur.
Jusque-là, l'implication dans cette activité, imaginée par Toyota en 1960, ne faisait l'objet, selon le quotidien Asahi, que d'une rémunération mensuelle équivalente à deux heures de travail. Toyota justifie son choix par le besoin d'"encourager la participation" à ces réunions, importantes pour "l'amélioration de la qualité générale".
Sa décision intervient alors qu'en novembre 2007, le tribunal de Nagoya a critiqué le recours excessif à ces heures, normalement effectuées "volontairement". Le procès opposait Hiroko Uchino à l'inspection du travail. Mme Uchino souhaitait faire reconnaître que le décès soudain de son mari, en 2002, à l'usine Toyota de Tsutsumi, était dû au "karoshi", le surmenage. L'inspection refusait de l'admettre, arguant que M. Uchino n'avait effectué "que" 50 heures supplémentaires le mois avant son décès. Mme Uchino soutenait qu'en ajoutant la participation aux réunions de contrôle qualité, ce total atteignait 155 heures. Elle a obtenu gain de cause.
RENFORCER LA SOLIDARITÉ
La participation à des activités de l'entreprise, comme un service en dehors des heures de travail baptisé "zangyo sabisu", fut longtemps considérée au Japon comme un moyen de renforcer la solidarité des équipes et la fidélité à l'entreprise.
La crise des années 1990 a bouleversé ces habitudes liées au concept, désormais révolu, d'emploi à vie. Dans le même temps, les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre et l'arrivée sur le marché du travail de jeunes peu enclins à adhérer aux pratiques traditionnelles, ont obligé des entreprises à reconsidérer l'usage de ces heures supplémentaires non payées. Mitsubishi Electric et Toshiba les ont intégrées aux heures de travail.
Le fabricant de sous-vêtements Triumph International a même choisi, en 2003, de supprimer l'ensemble des heures supplémentaires. A l'origine de cette décision, l'ancien PDG Koichiro Yoshikoshi estime qu'ainsi, "les travailleurs améliorent leur productivité pour finir leur travail en temps et en heure".
La réduction des heures supplémentaires est aussi encouragée par le gouvernement, qui souhaite un rééquilibrage entre vie professionnelle et vie privée et espère ainsi relancer la natalité et améliorer l'éducation des enfants.
Philippe Mesmer
Article paru dans l'édition du Monde du 25.05.08
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